Quelques semaines plus tard, Caroline fermait la porte de son casier, plongée dans une réflexion personnelle sur l'état des choses à la maison, lorsque Mélissa apparut soudainement à ses côtés. Comme toujours, elle affichait un large sourire qui révélait ses superbes dents blanches.
– Alors, Miss Je-suis-perdue-dans-mes-pensées, prête pour un passionnant cours de mathématiques?
– Toujours, marmonna Caroline.
Caroline en était venue à cette conclusion à propos de Mélissa : elle devait accepter de devenir son amie afin que celle-ci la laisse tranquille. Ironique. Caroline avait donc rendu les armes. D'autre part, elle appréciait la personnalité de Mélissa. Elle l'amusait et réussissait parfois à lui faire oublier ses soucis. Pourtant, Caroline cherchait à ne pas trop s'attacher à cette nouvelle camarade. C'était stupide et cela représentait un signe de faiblesse de s'attacher à quelqu'un et d'en dépendre.
– Allons, ma petite fille, Mélissa était en train de dire, montre-moi tes belles petites dents!
Malgré l'humeur quelque peu maussade de Caroline ce jour-là, les efforts de Mélissa gratifièrent cette dernière d'un mince sourire de son amie.
– Je savais bien que ces petits muscles savaient encore se contracter!
Décidément, Mélissa plaisait bien à Caroline. Sauf lorsqu'elle l'interrogeait sur sa vie privée. Heureusement, elle n'insistait jamais et Caroline en était plus que reconnaissante, bien qu'elle ne serait jamais capable d'exprimer cette gratitude, car cela n'aurait fourni qu'un prétexte de plus à Mélissa pour s'interroger sur la vie privée de Caroline.
Quelques camarades de classe auxquelles Caroline n'avait jamais adressé plus que deux mots vinrent les rejoindre. Elle les salua tout de même d'un petit sourire poli. Ensemble, elles se rendirent à leur local de mathématiques.
– Non, mais il était tellement mignon! racontait Nadine à l'heure du dîner.
Nadine Chantigny était la fille aux cheveux blonds que Caroline avait remarquée lors de l'inscription. Maria Lopez, celle à l'accent espagnol, occupait la chaise en face de Caroline, subjuguée par le récit de sa copine. Les quatre adolescentes se tenaient de plus en plus souvent ensemble. Chaque midi, Nadine et Maria se joignaient à Mélissa et Caroline et discutaient de leurs nouvelles conquêtes amoureuses ou de candidats potentiels. Caroline écoutait distraitement les véritables feuilletons des deux amies qui, à toute apparence, étaient obsédées par les beaux garçons. Cependant, à les entendre parler, elles les trouvaient tous beaux alors… Mélissa, de son côté, prenait un plaisir fou à écouter Maria et Nadine relater leurs expériences et s'amusait encore plus à les taquiner par la suite.
– Pardonnez-moi les filles. J'aimerais parler à ma sœurette.
D'un mouvement sec et rapide, Mélissa décocha un coup de pied sur le tibia du jeune homme qui venait de prononcer ces paroles.
– Je ne suis pas ta sœurette! Je suis même née trois minutes avant toi!
Il maugréa quelques bêtises et Mélissa lança un regard victorieux à ses camarades. Elle pouvait se permettre de le malmener à sa guise : c'était Éric Lacroix, son frère jumeau. Éric était lui aussi dans le programme d'éducation internationale, mais Caroline avait peu de cours avec lui. Elle ne l'avait que salué quelques fois par politesse. Il était aussi grand que sa sœur et était peu costaud pour ne pas dire maigre. Son regard sérieux et ce sourire bidon qu'il affichait quelques fois incommodaient Caroline. Il semblait... distant. Il n'avait que très peu d'amis. Côté personnalité, c'était l'opposé naturel de sa sœur. Elle : le blanc, ouverte, radieuse, enjouée, bavarde ; lui : le noir, renfermé, sombre, sérieux, silencieux.
Frère et sœur échangèrent quelques mots à voix basse avant de pouffer de rire ensemble. Malgré les différences de tempérament entre Éric et Mélissa, une complicité formidable régnait entre les deux. Mélissa lui tapota les joues et il s'éloigna de leur table aussi discrètement qu'il s'en était approché.
Caroline sentit soudain les regards de Maria et Nadine peser sur elle. Qu'avaient-elles à la regarder comme ça? Sa bouche se mit soudainement à produire des surplus de salive. Qu'avait-elle fait? La voix tremblante, elle demanda :
– Quoi? Qu'est-ce qu'il y a?
– Mais as-tu vu sa figure! s'exclama Maria.
– Ouais!
Nadine avait un très large sourire aux lèvres.
– Ma chère Mélissa, entama Nadine, je crois que ton frère fait de l'effet sur Caroline...
Caroline éprouva une soudaine envie de se cacher dans son sac à dos. Ses joues tournèrent écarlates en un clin d’œil.
– L'as-tu vue regarder Éric? continua Maria. On aurait dit qu'elle regardait Russel Crowe!
– Russell Crowe? Yeurk... Bruce Willis est bien plus beau!
Et le débat était entamé entre Maria et Nadine. Heureusement, en très peu de temps, elles avaient tout oublié à propos de Caroline et d'Éric. Sûrement, elles devaient exagérer. Caroline n'avait pas contemplé Éric comme elles disaient qu'elle l'avait fait. Elle ne le trouvait même pas attirant! Seulement... mystérieux. D'autant plus que l'attitude dont il faisait preuve à l'école la troublait.
– On va devoir se parler, toi et moi, glissa Mélissa dans l'oreille de Caroline d'un ton autoritaire.
Mélissa la regardait les yeux plissés, les traits sérieux.
– Je suis vraiment désolée, s'empressa de dire Caroline à mi-voix. Je sais que je t'ai embarrassée en face de Maria et Nadine.
Mélissa eut l'air confuse un instant. Puis, elle tenta de se faire rassurante.
– Mais voyons, je te taquinais, Caroline.
Pourtant, cette dernière n'était pas rassurée du tout. Elle hocha la tête, mais doutait sérieusement de l'honnêteté de son amie. D'un autre côté, comment pouvait-elle douter de Mélissa? Et tu oses t'appeler une amie? Franchement, Caroline! Tu devrais avoir honte de toi!
– Qu'en dis-tu, Caroline?
– Pardon? J'étais dans la lune.
– Vendredi soir, reprit Nadine lentement, on t'invite à venir avec nous au Tribe... C'est une
discothèque. Ça te dit?
– Je... euh, bafouilla-t-elle, mais on n’a même pas dix-huit ans!
– Ce n’est pas grave. On connaît les garçons à la porte. Ils nous laissent toujours entrer.
– Euh… d’accord, mais je vais demander à ma mère si je peux sortir en premier lieu…
– Parfait! Mais donne-nous une réponse rapidement, ok?
Caroline regarda Mélissa qui lui décocha un sourire complice.
– Ça va te faire du bien de sortir un peu, dit Mélissa. On va bien s'amuser, tu vas voir!
Caroline acquiesça mais un doute subsistait. Pouvait-elle vraiment, elle, Caroline Lapointe, sortir avec des gens de son âge et s'amuser?


2 commentaires:
Oh la la, tu devais etre un espion dans ma classe! Tu connais trop bien comment les adolescentes font amis! J'ai les filles qui n'aiment pas certaines copines mais ces dernieres n'arretent pas de les approcher. Il me faut t'avouer que ces jeunes gens ne sont pas moins compliques que les adultes!
Hi hi! Je me suis beaucoup inspiré de mes camarades de classe quand j'ai écrit cette histoire. Mon amie Martine qui était avec moi à cette époque reconnaîtra quelques-uns de nos amis dans mon histoire!
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