7/22/2006

Stigmates: chapitre 1

C'était une journée chaude. Le mercure atteignait déjà les 28 degrés Celsius. Néanmoins, le vent rendait cet après-midi de mi-août particulièrement confortable. Quelques nuages solitaires défilaient rapidement dans le ciel. Au loin, on entendait le grondement d'une tondeuse à gazon.

Assise à l'ombre d'un pommier, Caroline Lapointe essayait de relaxer. Les yeux fermés, elle prenait plaisir à se faire caresser la peau par une brise estivale. L'adolescente se laissait doucement bercer par les gazouillis d'oiseaux qui se régalaient des pommes suspendues à l'arbre. La jeune fille respirait lentement, profondément. Mais ce n'était pas assez. Elle essayait vainement de chasser les souvenirs de la dispute qu'elle avait eue avec sa mère en matinée. Une autre dispute. Et c'était encore de sa faute, naturellement. Caroline semblait posséder un don pour gaffer. Elle soupira. Au moins la tension qu'elle avait ressentie après la dispute s'était dissipée puisqu'elle s'était... retirée dans sa chambre pour un certain temps. Elle poussa un autre soupir. Elle ne devait pas penser à ces choses-là.

Soudain, la sonnerie du téléphone retentit et l'extirpa de ses pensées. Caroline se leva rapidement et courut jusque dans la maison. Au quatrième coup, elle sauta sur le combiné et le décrocha.

– Allô?

– Caroline? dit son père à l'autre bout de la ligne. Ça va? Tu sembles à bout de souffle.

– J'étais à l'extérieur et j'ai dû courir pour venir répondre au téléphone... Maman prend un bain.

– Oh. D'accord, alors dis-lui que je vais revenir de l'université vers dix-sept heures trente.

– Parfait, papa, lança Caroline. À ce soir.

– Bye, chouette.

Caroline regarda le téléphone longuement en se mordant légèrement la lèvre inférieure. Son père était toujours à l'université. L'endroit était devenu sa résidence principale. Oui, il était professeur de biologie et c'était un tout nouveau milieu de travail, mais les vacances n'étaient même pas terminées. Il aurait pu passer un peu de temps avec sa mère et elle.

– Qui était-ce? demanda une voix ferme derrière Caroline.

– Papa, répondit Caroline en se retournant.

Jessica Paradis, sa mère, se tenait devant elle, le corps droit, l'air hautain. Tout en elle annonçait la maîtresse de la maison. Elle portait une robe de chambre en soie décorée de jolis motifs de roses et une serviette était enroulée autour de ses longs cheveux noirs. Quelques rides se dessinaient déjà sur sa figure, bien qu'elle essayât de les dissimuler le plus souvent possible derrière son maquillage. Son regard quelque peu froid et dur dénonçait le caractère strict de cette jeune quadragénaire. D'une certaine manière, Caroline trouvait que sa mère ressemblait à un aigle avec son long nez crochu qui, en lui seul, suffisait pour chasser la beauté de son visage. Mis à part ce défaut, c'était une femme dont les formes généreuses séduisaient les hommes avides de chair.

– Va-t-il coucher à l'université ce soir? demanda Jessica un léger sourire aux lèvres.

– Non... du moins, pas ce soir, dit Caroline bien qu'elle n'eût pas le cœur à la plaisanterie. Maman... eum... excuse-moi pour tout à l'heure. Je suis désolée.

Jessica la regarda un instant, son visage indéchiffrable. Caroline baissa les yeux. Elle ne pouvait supporter ce regard. Il semblait l'examiner sous tous ses jours, la disséquer, étudier les plus sombres recoins de son âme. Un sentiment d'affolement et de culpabilité l'assaillirent.

– Je suis vraiment désolée, maman, répéta Caroline, penaude.

– N'y pense plus, ma chérie. Toutefois, n'oublie pas ce que ton père a fait pour nous.

Caroline hocha la tête vigoureusement. Qu'elle avait été égoïste! Ne penser qu'à elle et totalement ignorer ses parents. C'était impardonnable.

– Bon, laisse-moi le temps d'aller m'habiller et me sécher les cheveux et nous irons à la librairie nous procurer ton matériel scolaire, d'accord? continua sa mère d'un ton enjoué.
L’école à présent… Tout ce dont j’avais besoin, pensa Caroline. La jeune fille soupira encore une fois et alla attendre sa mère à l'extérieur.



Rock Lapointe était un homme d'une quarantaine d'années. Ses courts cheveux brun foncé étaient parsemés de gris. Ses yeux bruns semblaient doux, toutefois Caroline savait qu’il ne suffisait que de quelques secondes pour transformer ce regard et le rendre dur comme le roc. Il n'était pas costaud mais avait les épaules assez larges. Sa taille moyenne l’aidait à passer facilement inaperçu dans la foule.

Évidemment, Rock parlait de son travail. Il était obsédé par ce dernier. Cependant, il avait une raison pour en parler autant ces temps-ci : il venait d'obtenir un nouveau poste en tant que professeur de biologie à temps plein à l’université de la région. Le quadragénaire était visiblement très excité par ce nouvel emploi. Toutefois, Caroline aurait aimé que son père se taise pour quelques secondes.

– Et puis, dans deux ans, était-il en train de raconter avec un entrain que lui seul avait pour ce qu'il disait, ils vont construire de tout nouveaux laboratoires de biologie à la fine pointe de la technologie. J'ai eu la chance de jeter un coup d’œil aux plans et, franchement, je suis resté bouche bée. C'est si impressionnant!

Caroline roula les yeux et s'empressa de terminer son repas pour échapper à la suite du récit rébarbatif de son père. Jessica, d'autre part, semblait indifférente à la longue tirade de son mari, mâchant machinalement et hochant la tête ici et là.

Caroline se demandait si son père remarquait qu'il n'intéressait personne ou s'il refusait tout simplement de reconnaître leur manque d'intérêt dans leur attitude. D'une façon ou d'une autre, rien ne l'empêchait de poursuivre son monologue. Et ensuite on dit que les filles sont de vraies pies!

La jeune fille tenta d’interrompre son père pour demander la permission de se retirer de table : il ne lui porta guère attention. Un Boeing 747 se serait écrasé dans la cour arrière qu'il ne l'aurait aucunement remarqué. Dans son esprit, tant qu'il y avait une personne à la table pour l'écouter ou faire semblant de l'écouter, il était satisfait.

Caroline monta à l'étage et s'enferma dans sa chambre. Elle se laissa tomber sur son lit. La dispute du matin avec sa mère l'avait drainée de ses énergies et écouter son père dans ces conditions devenait insupportable.

L'adolescente songea aux événements de la matinée. Caroline et Jessica s'étaient disputées pour quelque chose de si banal. Jessica n'appréciait pas l'attitude que Caroline adoptait depuis leur déménagement, une semaine plus tôt. Voir Caroline dans cet état de mélancolie continue l'avait finalement dégoûtée et elle avait explosé ce matin lorsque sa fille s'était présentée au déjeuner. Caroline savait qu'elle avait été la goutte qui avait fait déborder le vase. Elle savait que tout était de sa faute. Elle ferma les yeux. Avec la rentrée scolaire qui approchait à pas de géant, les choses ne s'amélioreraient pas de sitôt.

Avant peu, le sommeil emporta Caroline et ses préoccupations.

4 commentaires:

Weichuen You a dit...

Je pense avoir montre interet dans ton histoire aussi! C'est un debut intriguant et j'espere que tu continues a nous faire la lire reguilerement d'accord?

Marc a dit...

Bien sûr, je me souviens que tu avais trouvé ça intéressant. Je vais me forcer à toute la publier.

C'est que lorsque j'écrivais cette histoire, mon amie Martine (qui était ma copine à ce moment) ne démontrait absolument aucun intérêt. Je suis content qu'elle ait changé d'idée aujourd'hui!

Anonyme a dit...

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